Sir Arthur Conan Doyle
Sir Arthur Conan Doyle a le même problème que les créateurs de Zorro ou de Superman : plus personne ne le connaît. Ce n'est peut-être pas vraiment un problème, mais en tout cas une injustice. On se souvient des créations, pas des créateurs. Conan Doyle, lui, a créé Sherlock Holmes et le Dr Watson. Ceux-là, tout le monde les connaît, au moins.
Quoique... À bien y regarder, connaît-on vraiment Sherlock Holmes ? La légende l'a tellement enveloppé ! La légende qui nous le montre toujours avec une casquette et un gros manteau, alors que ce sont les illustrateurs, et non Conan Doyle, qui l'ont représenté ainsi. La même légende qui le lance sans arrêt à la poursuite du sinistre Dr Moriarty, alors que, dans les oeuvres de Conan Doyle, les deux hommes ne s'affrontent réellement que dans une poignée d'histoires. La même légende qui nous dit que Sherlock Holmes fut inspiré par un professeur de philosophie d'Oxford, alors que l'auteur reprenait simplement des personnages existant déjà dans les romans d'Edgar Poë et Gustave Le Rouge. Et la même légende qui fait du Dr Watson un gros benêt, alors que rien dans les histoires de Conan Doyle ne va dans ce sens.
Sherlock Holmes représentait l'Angleterre victorienne dans tous ses aspects, y compris les plus inattendus. Si James Bond (qui devait lui succéder dans l'imaginaire britannique) était un alcoolo, le vieux Sherlock, lui, carburait à la cocaïne. Détail que le cinéma a évacué. Pour ma part, je me souviens de ces après-midis passés à suivre le détective et le docteur dans le brouillard de Londres. La façon dont Sherlock dénouait les affaires était si logique et naturelle qu'on se demandait pourquoi on n'y avait pas pensé. Aucun héros de littérature policière n'a atteint une telle connivence avec les lecteurs.
Bien sûr, Conan Doyle est mort en 1930. Mais il n'est pas vraiment mort. Trois-quarts de siècle plus tard, Sherlock Holmes et le Dr Watson marchent toujours sous le brouillard de Londres. Et nous les suivons toujours.