Contes de Bobé - Edith Apelbaum - Editions Boréalia - 2021
Un recueil de contes pour enfants, publié par Boréalia. Texte d’Édith Apelbaum, illustrations d’Ilias Kyriakidis.
Édith Apelbaum publie chez Boréalia les « Contes de Bobé », un recueil de cinq contes. Ainsi que l’indiquent le titre et la couverture, le public visé est très jeune. Mais si on s’adresse aux enfants, on s’adresse forcément aussi aux parents. Le livre est donc destiné à tout le monde.
Le texte est d’Édith Apelbaum. Je l’ai rencontrée à la librairie Boréalia et j’ai eu avec elle une conversation que je n’ose appeler interview. La voici :
Q. : Madame, qui êtes-vous ?
R. : Je ne sais pas si une présentation exhaustive de tout ce que j’ai fait dans ma vie passionnera les gens. J’ai fait pas mal de choses alimentaires. Mais je dois dire que ce qui a toujours compté depuis mon enfance, c’est la littérature. Je me suis nourrie dans les livres. Parfois, ils m’ont paru plus réels que la vie. Puis il y a eu un moment, pas très loin de la retraite, où j’ai réussi à trouver l’écoulement d’une veine un peu poétique. J’ai commencé à trouver ce qui me convenait.
Q. : Mais pourquoi pour les enfants ?
R. : Pour moi, c’est un peu une surprise... Parce que je n’avais pas forcément d’intérêt pour ce type de littérature. Puis quand j’ai eu mes petites filles, que je me trouvais loin d’elles, je me disais : quelle sorte de grand-mère vais-je pouvoir être ? J’ai imaginé que ce que je pouvais faire de mieux, c’était utiliser ma veine littéraire et raconter des histoires. Comme ma première petite-fille est née sur un bateau, je l’imaginais regardant les nuages, les oiseaux, les arbres, je me suis mise à charger ces figures d’humanité, pour communiquer des choses qui me paraissaient essentielles. C’est ainsi que c’est arrivé.
Q. : Mais il y a également un côté culturel : Bobé, je crois que c’est yiddish ?
R. : Alors, c’est du yiddish, oui. Je n’étais absolument pas préoccupée de mes origines. Et puis, en prenant de l’âge, j’ai pris conscience qu’il ne s’agissait pas d’une religion, mais d’une culture, de laquelle j’étais proche sans le savoir. C’était comme si je me réappropriais un peu de mon histoire. Donc, je me suis mise à apprendre. Je ne suis pas excessivement bonne en langues. Je n’ai jamais réussi à parler ni hébreu, ni yiddish. Mais j’ai pu trouver dans ces langues un sens qui m’a énormément inspirée. Bobé, c’est la grand-mère. Quand ma petite-fille est arrivée, on m’a tout de suite demandé comment je voulais être appelée. J’ai dit : Bobé. Moi, je n’ai jamais appelé une grand-mère Bobé. Mais, en fait, Bobé peut être n’importe qui, une personne, une grand-mère tout simplement...
Q. : Vous écrivez pour les enfants, mais ce sont les parents qui vont lire les contes. Donc, vous vous adressez aussi aux parents. Je veux dire qu’il y a une poésie sur l’environnement, sur les nuages, sur les arbres ?
R. : Oui. Ce n’est pas parce que j’ai voulu passer un message. Ce sont comme des tableaux qui en disent un peu sur notre monde. Mon livre, tel que je l’ai écrit, était un outil de transmission par l’intermédiaire des parents. Les enfants ne peuvent accéder à la profondeur de ces histoires que si les parents les lisent comme ça.
Q. : Dans l’histoire de l’arbre qui attend l’oiseau, il y a un appel sur la solitude ?
R. : C’est ça. En même temps, c’est dit dans la poésie : le vent seul est capable de rassembler les amis. En somme le hasard détient la solution.
Q. : Et vous allez continuer ?
R. : Je ne crois pas. Pas ces contes-là. J’écris un autre livre, mais qui n’a rien à voir avec ça. Et puis, ce ne sont pas vraiment des contes. Dans la tradition juive d’ailleurs, pas de nuages, peu d’arbres, il n’y a que des humains.
Q. : Pourquoi Boréalia ?
R. : J’ai connu Émilie Maj parce que j’habite le quartier. Je lui ai montré mes textes, que j’avais essayé d’envoyer à des éditeurs. Cela me coûtait cher d’envoyer les papiers et les illustrations et je n’avais pas eu de réponse. Et puis, Émilie a flashé, et ça m’a fait très plaisir. Je suis surtout contente du beau travail qu’elle a fait, parce que j’aurais pu être éditée chez un éditeur prestigieux, mais il n’aurait pas fait ce travail.
Q. : Vous avez fait lire ces contes à vos petits-enfants ?
R. : Évidemment. C’est un peu ma déception. Entre parents et enfants, ce n’est pas toujours idéal. Je pense que ma belle-fille et mon fils les ont aimés, mais je ne sais pas pour mes petites-filles. C’est sans doute pour elles un livre parmi d’autres. Mes petites-filles sont encore très jeunes. Elles le découvriront le moment venu. Je reçois par ailleurs tellement de retours que ça me réchauffe le cœur.
Q. : Les enfants d’aujourd’hui sont mieux ou moins bien que ceux d’avant ?
R. : Ils sont dans notre époque. Ils sont au centre des familles. Je ne porte pas de jugement, je vois que c’est comme ça. Ils sont élevés d’une autre façon, avec moins d’autorité. Mais ce que j’écris est intemporel, on est dans un univers poétique.
Q. : Avez-vous quelque chose à ajouter ?
R. : C’est difficile... Je pense que je m’inscris profondément dans ces histoires : la petite fille que j’étais, la recherche que j’avais, le sentiment de perte, d’absence. Où aller, que faire, quel chemin ? Et que la solution, c’est toujours la rencontre. Le nuage qui aime la lune et le nuage qui aime le soleil, celui qui a toutes les couleurs, et celui qui n’aime qu’une seule couleur... Une histoire de partage. Ce sont des histoires de partage.
Q. : Je vous remercie beaucoup, et bonne chance à ce livre.