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Le Blogue de Manuel Ruiz
9 avril 2013

Manifestes du Surréalisme - André Breton - Jean-Jacques Pauvert Editeur - 1962

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Cette édition de 1962 regroupe le premier manifeste du surréalisme (1924), le second (1930) et les Prolégomènes pour un troisième manifeste (1942) qui n'a jamais vu le jour.

Le Manifeste du Surréalisme est une oeuvre majeure du XXè siècle. Il a marqué une révolution artistique et étendu son influence à toutes les disciplines : poésie, littérature, peinture, sculpture, cinéma. Un nombre incalculable de personnes, dans le monde entier, se sont revendiqués de l'héritage surréaliste. Malgré le temps écoulé depuis les années 20, et malgré la disparition d'André Breton en 1966, beaucoup d'artistes se disent aujourd'hui encore surréalistes. On peut dire que la vie intellectuelle toute entière a été modifiée par le surréalisme.

En conséquence, ce n'est pas un modeste scribouillard tel que moi qui pourrait faire l'exégèse d'une oeuvre aussi importante. Reconnaissons nos limites. Je me bornerai à donner mon avis sur la lecture.

Soyons clairs : nous allons surtout parler du premier manifeste (1924), le vrai, celui qui a fixé et défini le surréalisme jusqu'à nos jours. Le second (1930) est décevant : il se résume à une suite de règlements de comptes politiques ou artistiques, dans laquelle Breton s'en prend à tout le monde, surtout à ses anciens compagnons, souvent avec virulence. Les Prolégomènes (1942) sont intéressants et font regretter qu'il n'y ait pas eu un troisième manifeste.

Prenons donc le premier manifeste de 1924. André Breton lui-même nous raconte comment le surréalisme lui est apparu. Pendant la guerre de 14-18, il a l'idée de venir en aide aux soldats blessés en employant les méthodes psychanalytiques de Freud. Il leur demande de fermer les yeux, de faire le vide dans leur esprit, et de parler, parler, parler, en disant tout ce qui leur passe par la tête. Il s’aperçoit alors que les soldats, de cette manière, en arrivent à dire des choses qu’ils n’auraient jamais dit autrement. Après la guerre, Breton et son ami Philippe Soupault décident d’explorer la méthode pour l’appliquer à l’écriture : vider son esprit, atteindre un état de quasi-hypnose, et écrire, écrire, écrire, sans s’arrêter et sans plan préparé à l’avance. Le but est d’atteindre ce « point de l’esprit d’où la vie et la mort, le réel et l’imaginaire, le passé et le futur, le communicable et l’incommunicable, le haut et le bas cessent d’être perçus contradictoirement ». C’est ainsi qu’ils écrivent « Les Champs Magnétiques », acte de naissance officiel du surréalisme. Le mot, semble-t-il, était employé par Apollinaire et c’est pour lui rendre hommage qu’on l’a choisi. L’école surréaliste est née. Elle verra passer Louis Aragon, Paul Eluard, Robert Desnos, Roger Vitrac, Antonin Artaud, Pablo Picasso, Salvador Dali, Francis Picabia. Tant d’autres. Une autre famille artistique a-t-elle connu une telle quantité de géants ? Pas sûr. André Breton en sera le « pape », admiré et controversé, jusqu’en 1966. Le manifeste en restera le texte de référence.

Le second manifeste, celui de 1930, a peu d’intérêt littéraire, mais il peut retenir l’attention des amateurs d’Histoire, car on y découvre quelques anecdotes amusantes, ou édifiantes, sur l’époque. André Breton nous raconte l’histoire de cet intellectuel qui subtilisa 200 000 francs au Parti communiste pour aller jouer au casino à Monaco. Nous voilà obligés de voir autrement ces révolutionnaires que le temps a sans doute un peu magnifiés ! Le Parti communiste… Sans doute le grand malentendu du parcours d’André Breton. Pour en donner une idée, signalons simplement qu’on le casa, lui le poète, dans une cellule composée par des employés du gaz ! On se demande encore ce qu’il allait faire là-dedans. Mais les surréalistes avaient décidé que leur philosophie rejoignait la pensée marxiste… Passons.

Ces débats, parfois violents, sont lointains. Aujourd’hui, c’est le talent d’André Breton qui nous intéresse. Le plus grand écrivain français du XXè siècle. Chacune de ses phrases donne envie d’applaudir. Si vous êtes candidat à une carrière littéraire, c’est une leçon permanente et magistrale. Lui-même rappelle avec ironie qu’il était jugé « ennuyeux comme la pluie », ce qui permettra aux plumitifs actuels de garder espoir. « La littérature est un des plus tristes chemins qui mènent à tout », dit-il, et c’est une définition de la littérature à garder en mémoire. Et si André Breton, finalement, était le seul écrivain méritant d’être lu ?

D’ailleurs, c’est lui qui nous fournira la conclusion : « Au bout de vingt ans je me vois dans l’obligation… de me prononcer contre tout conformisme. » Il avait raison. 89 ans plus tard, André Breton et le surréalisme sont toujours parmi nous. Une œuvre exceptionnelle et un écrivain extraordinaire.

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Commentaires
E
Un livre que je n'ai pas lu mais tu me donnes envie d'en apprendre plus sur Breton. Bon après midi et merci.
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  • Manuel Ruiz, écrivain, scénariste, producteur de radio. Manuel Ruiz est membre de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Validation de formation à la SGDL le 08/10/2018.
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