Choc sans merci - Serge Laforest - Fleuve Noir - Espionnage - 1953

Roman de 1953, appartenant à la collection Espionnage du Fleuve Noir, écrit par Serge Laforest.

L'AUTEUR : Serge Arcouët, dit Serge Laforest, fut un des grands des deux collections les plus importantes du Fleuve Noir : Espionnage et Spécial Police. Son héros, l'agent secret Paul Gaunce, était un des plus populaires de l'époque. Pour le peu que je sais de lui, il entama sa carrière sous un pseudonyme américain, avant de se « résigner » à être un auteur bien français.

THÈME : À peine rentré de mission, Paul Gaunce, agent de la CIA, doit repartir. Pas n'importe où : on le parachute en Ukraine, chez l'ennemi. Il doit contacter deux savants atomistes et les aider à s'échapper de l'URSS. Pour cela, il s'intègre dans un kolkhoze où il s'occupe de réparer les tracteurs. Mais la mission, en fait de périlleuse, est quasiment impossible. Et la beauté des femmes ukrainiennes, loin d'être un réconfort, s'avère un danger de plus.

ANALYSE : Naturellement, ce qui attire l'attention, c'est la date de publication : décembre 1953. Soit quelques mois après la mort de Staline. Une autre époque, un autre monde. Nous n'étions pas nés. On est d'autant plus surpris ensuite de découvrir que ce bouquin est d'une modernité stupéfiante. Du grand roman d'espionnage, passionnant et captivant. J'oserai affirmer qu'il est à la hauteur des meilleurs Fleming et Le Carré. Qui pourrait m'empêcher de le dire ?

Serge Laforest sait écrire : il alterne les scènes d'action et les introspections psychologiques. Il s'attache beaucoup aux descriptions, des lieux et des personnes, et il ne s'agit pas de remplissage : elles participent au récit, ainsi que le lecteur le découvre au fil des pages. La description des vêtements et du contenu des poches est vraiment saisissante et nous met dans l'ambiance mieux que de longues dissertations. De la vraie littérature.

Les personnages sonnent juste. Ces espions qui font du renseignement sans très bien savoir pourquoi sont crédibles. Je pense à ce supérieur de Gaunce avouant qu'en dehors de son boulot, il ne s'intéresse qu'à la pêche. Remarquable : les Russes ne sont jamais caricaturés, ce qui rend l'affrontement encore plus poignant. Tous ces hommes sont pris dans un tourbillon qui les dépasse, et ce tourbillon impitoyable atteint son paroxysme dans la scène finale, digne d'un roman de guerre, puisqu'il s'agit d'une véritable bataille. Après, que l'auteur respecte le cahier des charges (jolies filles, bagarres, rebondissements) apparaît comme la moindre des choses.

Le Fleuve Noir, c'était de la grande littérature populaire, et on ne cesse de le redécouvrir, par exemple avec ce bouquin. Un vrai, un super roman d'espionnage.