Ian Fleming

Ian Fleming, c'était James Bond. Et James Bond, c'était Ian Fleming. Du moins pour ma génération. Parce que les générations actuelles sont persuadées que James Bond a été inventé par un scénariste hollywoodien. Question d'époque.

Eh bien, non, James Bond, c'était bien la création de Ian Fleming. Curieux personnage. Il travailla réellement dans les services secrets britanniques, mais dans un emploi administratif, et probablement ennuyeux. Mis à la retraite anticipée (à cause de douleurs au dos, paraît-il), il s'installa dans une maison en Jamaïque et se lança dans l'écriture. Ses romans devinrent vite des best-sellers mondiaux. Quel était son secret ? Simple : il reprenait le schéma classique du roman d'aventures (le bon, le méchant et la jeune fille en détresse) et l'insérait dans le cadre de la guerre froide. Cela donnait à ses livres un style unique et inimitable, tout à la fois terriblement romanesque et férocement réaliste. L'univers de James Bond était créé. Il allait fasciner le monde entier.

Soit, mais il allait surtout être victime d'un malentendu. En effet, le James Bond des romans d'Ian Fleming était un personnage complexe, alcoolique, dépressif, et dont les motivations pour défendre le monde occidental restaient vagues. Or, le public et le cinéma ne retinrent que deux éléments de sa personnalité : ses combats contre des méchants, et ses exploits de Don Juan. Le James Bond qui déferla sur les écrans était donc une version simplifiée du héros d'Ian Fleming. Le comble étant d'ailleurs que l'acteur choisi, Sean Connery, ne correspondait pas du tout à l'idée qu'il se faisait de son agent secret ! Comment le vécut-il ? Difficile à dire, car il mourut d'une crise cardiaque en 1964, juste au moment où sa création devenait un phénomène cinématographique.

Les jaloux (qui sont nombreux) se sont déchaînés contre Ian Fleming en le traitant de réactionnaire, de raciste, ou d'écrivain de bazar. Pourtant, un demi-siècle plus tard, on doit constater que l'univers de James Bond a souvent été imité, mais toujours sans succès. Parce qu'il était inimitable.