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Le Blogue de Manuel Ruiz
9 novembre 2010

Les Stoïciens - Bibliothèque de la Pléiade - 1978

720277_2872793Edition sous la direction de Pierre-Maxime Schuhl. Traduction d'Emile Bréhier.

Ce recueil de textes contient :

 

-CLEANTHE : L'Hymne à Zeus

 

-DIOGENE LAËRCE : Vie et Opinions des philosophes

 

-PLUTARQUE : Des contradictions des stoïciens, Des notions communes contre les stoïciens

 

-CICERON : Premiers Académiques, Des fins des biens et des maux, Les Tusculanes, De la nature des dieux, Traité du destin, Traité des devoirs

 

-SENEQUE : De la constance du sage, De la tranquillité de l'âme, De la brièveté de la vie, De la vie heureuse, De la providence, Lettres à Lucilius

 

-EPICTETE : Entretiens, Manuel

 

-MARC-AURELE : Pensées

 

Voici un volume de la prestigieuse collection La Pléiade, consacré aux stoïciens. Peut-être ne serait-il pas inutile de rappeler rapidement de qui, et de quoi, il s’agit.

 

La « philosophie stoïcienne », ou « philosophie du Portique », fut créée à Athènes, au IIIè siècle avant J.C., par un dénommé Zénon, un curieux personnage qui venait de Chypre. Il fut un élève des Cyniques, comme tout le monde, avant de créer sa propre école. On l’appela « l’école du Portique », car il donnait ses cours près des remparts, à côté d’un portique (« stoa » en grec). Ensuite, cette philosophie allait connaître un destin extraordinaire, en devenant la plus importe du bassin méditerranéen, et en survivant dans les universités jusqu’au Moyen Âge tardif. On a pris l’habitude, un peu arbitraire, de la diviser en trois périodes assez vagues. On distingue le « stoïcisme ancien », celui des créateurs athéniens. Le « stoïcisme moyen », qui est le moment où cette philosophie va basculer de la Grèce vers le monde romain. Le « stoïcisme tardif », plus communément appelé « stoïcisme impérial », qui est cette philosophie sous l’époque romaine, et surtout sous l’Empire. Ces trois périodes étant naturellement artificielles, car il s’agit de la même pensée, présentée et enseignée de manières différentes, et parfois contradictoires. C’est d’ailleurs peut-être le courant de pensée ayant engendré le plus de contradictions.

 

Ce gros volume est conforme à sa collection : luxueux, admirable. C’est un plaisir de le tenir en main. Le responsable de la publication a voulu faire une somme des penseurs stoïques, et il y est parvenu pour une large part, puisqu’il nous propose les stoïciens les plus connus et une grande partie des textes de cette école. L’ensemble est tout à fait intéressant.

 

De mon côté, j’aurais trois reproches à lui adresser :

 

-S’il s’agit d’embrasser toute l’histoire stoïcienne, ce volume est déséquilibré, puisque le stoïcisme ancien, celui des origines, est peu représenté. L’essentiel est consacré au stoïcisme impérial, qui représente le triomphe et la splendeur de cette pensée, mais qui n’en est qu’une partie. Même s’il y a des raisons, je déplore personnellement cette sensation de manque.

 

-Le deuxième reproche est probablement lié au premier : nous avons là des textes qui traitent essentiellement, et presque uniquement, de la morale stoïcienne. C’est évidemment l’aspect le plus connu et le plus intéressant. Néanmoins, on peut regretter qu’il n’y ait pas autre chose. Parce que les stoïques étaient des gens sérieux. Ils ne présentaient pas une morale « comme ça ». Pour bâtir leur éthique, ils employaient des moyens : la physique et la rhétorique. Ils avaient une physique pour expliquer le monde et une rhétorique pour expliquer leur conception de la vie. Ces deux moyens leur permettaient ensuite de définir la « morale stoïcienne ». Je suis conscient que ce choix a été probablement dicté par le manque de documentation directe. Les fondamentaux du stoïcisme nous sont surtout connus par Diogène Laërce et Plutarque, qui étaient des adversaires des stoïciens. C’est à travers leurs critiques qu’on doit essayer de discerner en quoi consistaient les premiers enseignements de Zénon et ses successeurs. De tout cela, je suis conscient. Mais je persiste à penser qu’on aurait pu faire un effort pour expliquer aux lecteurs d’où provenait cette morale stoïque tant développée et étalée ici.

 

-Le troisième reproche n’en est pas un, mais une opinion personnelle et subjective : la présence de Cicéron. Il est bien possible que cet homme ait eu des professeurs stoïciens. Je ne le sais pas, en toute franchise. Mais peut-on le considérer, lui, comme un stoïcien ? En ce qui me concerne, non, je ne le classerai pas dans ce courant de pensée. Or, en consultant le sommaire, on constate que Cicéron apporte à lui seul six volumes à ce recueil. Cela crée un sentiment de « ratissage large » qui me gêne un peu, et surtout un déséquilibre dans le livre.

 

Je résumerai en disant que cet ouvrage me paraît déséquilibré et incomplet. Et j’insiste sur le fait que je suis conscient que cet état de choses n’est pas forcément le résultat d’un choix de la publication.

 

Pour en revenir aux stoïques, nous n’avons pas la place ici pour revenir sur les multiples reproches qu’on leur a adressés, et qu’on leur adresse encore. On s’est beaucoup moqué d’eux en soulignant leurs discours tire-bouchon, leurs arguments passe-partout, leurs contradictions, leurs paradoxes. On les a accusés de dire tout et le contraire. On a raillé leurs origines sociales. On a caricaturé leur position sur le suicide. On ne va pas polémiquer, parce qu’une bonne partie de ces reproches sont justifiés. Il est vrai que les écrits stoïques sont truffés de contradictions. Il est vrai qu’il est facile de philosopher sur les passions et les vertus quand on est milliardaire, comme Sénèque, ou empereur, comme Marc-Aurèle, et qu’on n’a pas à se préoccuper de gagner sa vie ou de descendre la poubelle. Tout cela est la stricte vérité. Cependant, s’en tenir là serait se tromper, et passer à côté du stoïcisme lui-même. À côté d’une pensée qui a fasciné le monde méditerranéen : sous l’Empire, TOUS les personnages importants ont eu des professeurs stoïciens, ou se disant stoïciens. À côté d’une pensée qui a perduré, au point de résonner encore dans les écrits de Montaigne.

Aujourd’hui, l’expression « rester stoïque » est toujours employée dans le langage populaire. Signe que Zénon, Épictète, et Marc-Aurèle sont toujours là. Eux et leurs confrères de pensée savaient de quoi ils parlaient, et nous avons tout intérêt à nous remémorer ce qu’ils disaient.

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  • Manuel Ruiz, écrivain, scénariste, producteur de radio. Manuel Ruiz est membre de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Validation de formation à la SGDL le 08/10/2018.
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