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Le Blogue de Manuel Ruiz
28 juillet 2010

L'Iliade et l'Odyssée - Homère - VIIIè siècle avant Jésus-Christ

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Poèmes composés et chantés par Homère au VIIIè siècle avant J.C.

L'ILIADE : Les Grecs achéens assiègent Troie. Leurs nefs sont tirées sur la plage et ils vivent dans un camp protégé par une barrière. Pendant le siège, un incident éclate entre les chefs : Agamemnon s'est approprié une belle captive, Briséis, au détriment du fougueux Achille. Ce dernier décide de se retirer sous sa tente et de ne plus participer aux combats. Le résultat est désastreux pour les Grecs : les Troyens prennent le dessus et entrent même dans le camp. C'est alors que le chef des Troyens, Hector, tue l'ami d'Achille, Patrocle. Achille reprend enfin la guerre et défie Hector en duel. Les deux hommes se battent sous les remparts et Achille tue Hector, avant de traîner son corps autour de la cité.

L'ODYSSEE : Ulysse arrive chez les Phéaciens, rencontre Nausicaa et raconte son histoire. Après la guerre de Troie, il voulait rentrer chez lui, à Ithaque. Mais son voyage a été long et périlleux : les Lotophages, les Lestrygons cannibales, le Cyclope, les Sirènes, Charybde et Scylla, sans oublier les belles Circé et Calypso. Il a fini par perdre son bateau et ses compagnons. Emu, le père de Nausicaa lui permet de regagner enfin Ithaque. Mais Ulysse découvre que sa femme, Pénélope, est harcelée par les prétendants. Il doit se cacher, se déguiser en aveugle pour entrer dans son propre palais. Avec l'aide de son fils, Télémaque, il parviendra à neutraliser les prétendants et à reprendre possession de son royaume.

CES MOTS AILES : C'est un sujet casse-gueule, j'en suis conscient. Pourquoi parler de bouquins que tout le monde connaît ? Qu'est-ce qu'on pourrait dire de nouveau ? On pourrait répondre qu'il y a toujours quelque chose à dire. Mais on va essayer de répondre autrement. C'est que tout le monde croit connaître Homère. Jusqu'au jour où on se décide à ouvrir les livres, enfin, et à les lire, enfin. Parce que le problème des poèmes homériques est celui-là : quelqu'un va-t-il enfin les lire, au lieu d'en parler ?

Commençons par l'Iliade. Tout le monde connaît l'Iliade, n'est-ce pas ? Jusqu'au jour où on le lit, enfin, et où on découvre que personne ne le connaît. L'Iliade raconte la Guerre de Troie ? Eh bien, non, il raconte seulement un épisode de cette guerre, pas plus long que quelques jours. Dans l'Iliade, il y a la belle Hélène qui se fait enlever par Pâris ? Eh bien, non, c'est dans un autre poème. Dans l'Iliade, il y a Achille recevant une flèche dans le talon ? Eh bien, non, c'est dans un autre poème. Dans l'Iliade, il y a le Cheval de Troie et la chute de la ville ? Eh bien, non, c'est dans un autre poème. En fait, les épisodes les plus connus de la Guerre de Troie ne sont pas dans l'Iliade. Notre ami Homère nous raconte "simplement" une anecdote courte se déroulant pendant cette guerre. Si cette anecdote devient une épopée, c'est à cause de la méthode employée par l'auteur. Tout est démesuré. Le moindre sacrifice d'animal devient un holocauste grandiose. Le moindre repas entre chefs achéens devient un festin doublé d'une beuverie. Chaque île mentionnée a été conquise et ravagée. Chaque combat devient la bataille du siècle. Derrière chaque flèche qui siffle, il y a la main d'un dieu ou d'une déesse. On aura compris que Homère ne se soucie guère de vraisemblance. Les historiens, faisant leur boulot, démontrent patiemment que les combats et duels de l'Iliade sont irréalistes, que personne ne s'est jamais battu de cette manière, que les tactiques employées sont absurdes, quand il y a une tactique, que cette manière d'assiéger une ville ne résiste pas à une analyse de cinq minutes. Peine perdue. Le lecteur suit Homère jusqu'à l'aveuglement. Au bout d'un moment, on ne sait plus qui a tué qui, qui est le fils de qui, qui se bat contre qui. On ne respire que pour suivre les dieux et déesses vers leur Olympe irréel, mais si reposant. Et on se surprend à dire spontanément "Achille aux jambes rapides", "Ménélas au puissant cri de guerre", "Ulysse aux mille ruses", "Sparte aux rapides cavales". Ce vocabulaire marque le triomphe de Homère dans les esprits. On se sent devenir Argien ou Myrmidon. Pourtant, le paradoxe est omniprésent : dans ce livre qui a fixé pour longtemps les bases morales de l'Occident, les héros ne sont pas de preux chevaliers, mais des chefs braillards et violents, qui ne pensent qu'à se battre, piller et violer. À aucun moment, l'idée de faire autre chose ne leur traverse la tête. En comparaison, les Troyens apparaissent civilisés et sympathiques. De là vient une cascade de malentendus, laissant croire que le coeur d'Homère battait pour les vaincus. Arrêtons de nous leurrer : ce sont bien les chefs grecs que le poète nous donne en modèle, et la victoire d'Achille sur Hector n'est pas une fin pathétique, mais le seul dénouement logique pour Homère. Un artiste unique qui a bâti une morale en peignant un univers sans morale. Preuve de génie.

Passons à l'Odyssée. Tout le monde connaît l'Odyssée, n'est-ce pas ? Jusqu'au moment où on le lit, enfin, et où on découvre que personne ne le connaît. C'est l'histoire d'Ulysse et de ses aventures sur mer ? Avec les Lotophages, les Lestrygons, les Cimmériens, le Cyclope et autres créatures monstrueuses ? Eh bien, non. On découvre que les pérégrinations maritimes d'Ulysse n'occupent qu'une partie du livre. La partie centrale, relativement courte. Le reste du livre est consacré à autre chose. Il y a une première partie basée sur Télémaque, et pas franchement emballante. Une deuxième partie où Ulysse apparaît enfin, chez les Phéaciens. Il faudra du temps et tout le charme de Nausicaa pour le pousser à raconter son histoire. Vient alors la troisième partie, celle des voyages, celle que la plupart des gens connaissent. Et puis, encore une quatrième partie, celle où Ulysse rentre à Ithaque et se déguise pour accomplir sa vengeance. Ce dernier acte est long, interminable, et on comprend que la plupart des adaptations s'empressent de l'abréger. Ainsi donc, ce livre est connu dans le monde entier et toute sa popularité repose sur une petite partie de son texte. Les quelques pages où Ulysse raconte ses aventures sont entrées dans l'imaginaire universel et les autres demeurent quasi-inconnues. Pas mal comme paradoxe, n'est-ce pas ? Lire l'Odyssée, c'est découvrir les trois parties non-intégrées par la mémoire collective. Nous avons déjà dit que le première n'enthousiasmait guère. Celle chez les Phéaciens propose au moins l'attrait du mystère, l'identité d'Ulysse n'étant révélée que peu à peu. La quatrième surprend par sa longueur et son caractère un peu assommant, lequel contraste avec la passion qui a précédé. Elle est pourtant intéressante : on pense à Hamlet, à cause de la comédie que doit jouer Ulysse. Ou au Capitaine Fracasse, à cause du déguisement. Ces références démontrent que toute la littérature occidentale est déjà là, dans ces vers célèbres et peu connus. De même que cet épisode où le héros grec descend en enfer pour rencontrer l'ombre de sa mère : un résumé du cinéma fantastique le plus moderne. L'Odyssée partage un point commun avec l'Iliade : il n'a pas vraiment de début et pas vraiment de fin. Même après la dernière ligne, on n'est pas sûr que le voyage d'Ulysse soit terminé. Parce que l'Odyssée, c'est l'illustration du voyage permanent. De là, sans doute, son universalité, que seules les sagas de SF ont pu, depuis, approcher.

En conclusion, on se pose une question : quand donc les gens vont-ils enfin lire l'Iliade et l'Odyssée ? Parce que, franchement, il serait temps.

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  • Manuel Ruiz, écrivain, scénariste, producteur de radio. Manuel Ruiz est membre de la Société des Gens de Lettres et de la Société des Auteurs et Compositeurs Dramatiques. Validation de formation à la SGDL le 08/10/2018.
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